i like boys too much

Féline.

Elle s’étire, comme un chat, satisfaite de sa journée. Il est l’heure de dormir, et Meilin, lovée contre ses innombrables coussins et peluches, au chaud sous sa couverture et son plaid, s’apprête à tomber dans les bras de Morphée. Un dernier tour sur les réseaux sociaux lui permet de regarder sa côte de popularité sur Internet. Elle tique un peu en voyant que quelqu’un l’a notifiée “Meilin”. Il est pourtant de notoriété publique qu’elle a horreur de son prénom. C’était celui de sa grand mère paternelle. C’est un prénom de vieux. Non, elle, elle se fait appeler Mei. C’est bien plus joli et mignon, à son goût.

Elle n’est pourtant pas capricieuse, juste un peu boudeuse lorsqu’elle n’a pas ce qu’elle veut. Mei a toujours été le centre d’attention de son père, elle est habituée à ce qu’on la regarde, qu’on pense à elle, qu’on lui dise qu’elle est jolie et bien sage. Elle a ce besoin constant d’attention qui la pousse à poster moulte selfies et autres photos de sa vie sur la toile. Elle veut qu’on la remarque, qu’on sache qu’elle est là. Et si on ne s’occupe pas d’elle, elle se sent vite mal, et seule au monde. Triste, et perdue. Elle n’est pas du tout indépendante, bien qu’elle se donne des airs de femme forte. Elle a besoin qu’on la regarde pour exister.

Pourtant, c’est généralement seule qu’elle s’adonne à ses activités favorites ; souffrante d’hyperactivité, Mei est une accro au sport, seul moyen qu’elle ai trouvé pour canaliser toute cette énergie en trop. Et il ne s’agit là que de sports solitaires : athlétisme, natation et musculation sont ses trois chouchous. Elle maintient son corps en forme, et se sentir en bonne santé est pour elle indispensable. Elle est de ces filles qu’on pourrait qualifier de fit girls, hashtag healthy life.

Si seulement il n’y avait pas son alimentation. Mei est une grosse mangeuse, qu’on se le dise, son péché capital est indéniablement la gourmandise. Et lorsqu’il s’agit de nourriture, on entre en terre sacrée. Mei mange de tout, et avec un plaisir non dissimulé. Elle est particulièrement accro à la junk food, et il n’est pas rare de la croiser dans le fast-food du coin plusieurs fois par semaine. C’est cependant une bonne cuisinière, mais elle préférera toujours cuisiner pour les autres que pour elle-même. Faire plaisir à autrui avant tout, voilà ses maître mots.

Mei est une femme confiante de manière générale. Fière de son corps qu’elle assume totalement, elle est coquette et n’est pas du genre à se plaindre de sa tête du matin. Elle rit aux éclats très facilement, étant bon public. Elle a un humour qui ne plaît pas à tout le monde, mais elle s’en moque, du moment qu’elle peut rire. Et son rire, il est communicatif. Mei respire la joie de vivre et la bonne humeur à toute heure. Elle est une personne facile à vivre, toujours joyeuse et optimiste. Peut-être un peu trop, car elle s’emporte facilement et est capable de vous raconter ses journées sur trois ans en une seule conversation, qui prendra alors des airs de monologue. Vous n’êtes pas loquace ? Aucun  soucis, elle se fera un plaisir de parler pour deux.

Mais cette facette si positive se brisera en un claquement de doigt si une personne prend une place trop importante dans sa vie. Mei fera alors des pieds et des mains pour lui plaire. Une seule remarque sur son physique ou son comportement, et c’est tout son quotidien qui en sera chamboulé. Régimes sévères, arrêt de son flot de paroles incessant, elle serait prête à tout pour satisfaire le seul et l’unique.

Mais nous sommes bien loin de tout cela, pas vrai ? Car Mei, aveugle de tous les dangers du monde, s’endort le sourire aux lèvres, approchant doucement de doux songes d’amour idéalisé. Bonne nuit Meimei.

Au petit matin, Mei s’étire longuement et tend son bras tout fin pour atteindre son réveil rétro rose. Sa main, dont les ongles sont parfaitement manucurés, reste posée quelques secondes sur l’appareil avant qu’elle ne daigne se redresser. S’étirant une nouvelle fois, Mei papillonne des yeux, voyant ses volets automatiques se lever. Ses cils ne sont pas bien longs ni bien fournis, pour son plus grand malheur, mais elle y remédie facilement durant la phase maquillage. Ses yeux sont noirs, et en amande. Ils sont soulignés de petites poches qu’elle tentera tant bien que mal de camoufler par la suite.

Mei se lève finalement. Etant une personne plutôt matinale, les débuts de journée ne sont pas difficiles pour elle. Dès le matin, elle est de bonne humeur, et c’est le sourire aux lèvres qu’elle se dirige vers sa salle de bain. Elle laisse tomber son pyjama rose à dentelle blanche, petit débardeur et mini short, pour une bonne douche bien chaude. De quoi bien commencer la journée. Son corps, fin et travaillé, est d’une teinte légèrement halée. Sa peau semble toute lisse, et aucun poil ne vient perturber cette harmonie ; Mei a passé la totalité de son corps sous le laser il y a une petite poignée d’années. Une gentille fille ne peut pas avoir de poils.

Sa poitrine est très modeste, mais en la savonnant, Mei regarde un détail atypique, un grain de beauté ayant élu domicile à gauche de son téton. Elle l’aime bien. C’est mignon. Sous ce même sein, le droit, est ancré dans sa peau un tatouage délicat, une décoration florale en noir et blanc. Folie de ses premiers jours d’indépendance, elle l’a toujours caché à ses parents. Du mieux qu’elle pouvait, du moins.

De manière générale, Mei n’a pas beaucoup de formes. Sa taille est timidement creusée, son ventre plat, son dos finement cambré et ses membres fins n’ont au final rien d’exceptionnel. Seules ses fesses, qu’elle s’efforce de sculpter à la salle, peuvent représenter un point d’intérêt quelconque de son anatomie. Rien d’exceptionnel cela dit. Mei reste une jeune femme jolie. Elle le sait. Et elle continue de faire de son mieux pour que cet état des faits ne change pas.

Elle sort de la cabine pour s’enrouler dans une serviette et se brosser les dents. Après quoi elle applique sur sa peau toutes sortes de soins et crèmes, hydratants et nourrissants, afin que sa peau reste douce comme de la soie et en bonne santé. Puis vient l’étape du maquillage, primordiale. C’est là qu’elle couvre ces petits détails qui ne lui plaisent pas. Elle fait toujours un maquillage naturel, mettant l’accent sur ses fines lèvres qu’elle parvient toujours à rendre un tant soit peu pulpeuses. Même si ce n’est qu’un effet visuel. Elle opte pour un joli rouge cerise. Demain, ce sera rose pêche. Tout comme ses joues qu’elle tapote avec un blush pour un effet petite poupée de porcelaine. Puis elle se coiffe. Fraîchement coupés, ses cheveux noirs et fins encadrent son visage entre deux mèches lisses et une frange droite.

Puis Mei s’habille. Les vêtements et elle, c’est une véritable histoire d’amour. Intéressée par tout ce qui touche à la mode, rien n’échappe à son style. Aussi optera-t-elle toujours pour des tenues qui laisseront voir ses longues jambes fines, cintrées à la taille ou oversized pour la rendre encore plus innocente. Des accessoires, obligatoires, et le tour est joué. Aujourd’hui, ce sera un crop-top, une mini jupe plissée taille haute, des chaussettes montantes mi-cuisses, un gilet en laine grise et une paire de plateformes blanches. N’oublions pas le tour de cou noir et les boucles d’oreilles. Des petits chats. Pour aller avec son petit air de coquine féline.

Un pschit d’un parfum léger et frais, fruité, et Mei est parée. Il est grand temps d’aller prendre son petit-déjeuner, parce que son ventre crie famine, et puis aujourd’hui il y a des pancakes.

- Arrête ça. Donne moi cette tablette.
- C’est MA petite fille. Personne ne la touchera, jamais.
- Tu ne te rends pas compte de ce que tu fais ! Tu ne peux pas la couper de la moitié du monde ! Donne moi ça tout de suite !!
- Jamais ! Ne m’approche pas, poufiasse !

Les mains collées sur ses oreilles, Mei ferme les yeux, pour ne pas avoir à regarder deux masses informes, noyées dans des larmes qu’elle peine à retenir, se crier dessus. C’est toujours pareil. Papa aime Mei. Maman n’est pas d’accord avec papa. Pourtant Mei est trop jeune pour savoir ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Elle voudrait juste que ses parents soient heureux et la félicitent. Elle fait de son mieux pour être une enfant idéale, et pourtant. Ça ne va jamais. Ils ne sourient jamais. Sa mère la serre souvent, ne veut pas la laisser seule le soir. Elle refuse de dormir avec son mari, préfère rester auprès de sa petite fille, pourtant non désirée. Elle a l’air effrayée, bien plus que Mei.

Son papa, elle le voit après l’école. Il ne voulait pas qu’elle aille à l’étude, malgré le refus de sa mère de la laisser seule à la maison. Seule avec lui. C’est pourquoi elle lui vole la tablette quand elle travaille. Pour surveiller que Mei prenne bien son goûter et fasse ses devoirs. Qu’elle joue dans sa chambre, en paix, et qu’il ne vienne pas l’embêter. Mei est une enfant fermée. Sa mère ne veut pas qu’elle soit brisée davantage.

Mais ce soir, c’est la goutte d’eau.

- Ma chérie, je suis tellement désolée.

Mei lève le nez. Sa mère n’a pas l’air très heureuse, elle la serre encore une fois dans ses bras. Mei lui rend l’étreinte faiblement, elle ne sait pas trop pourquoi, mais elle sent au fond que ce câlin ne présage rien de bon. Elle n’est pas spécialement intelligente, mais elle a l’âge de comprendre que ça ne va plus.

- Je ne peux plus supporter ça. J’espère sincèrement que quelqu’un te viendra en aide. Moi, je n’ai plus la force de voir ça.

Rien en réponse. A vrai dire, Mei a un peu mal. Elle n’a pas envie de parler, elle a peur que la douleur ne grandisse si elle parle.

C’était la dernière fois qu’elle voyait sa mère.

Quelques années après, Mei va au collège, puis au lycée. Elle a un groupe de copines, mais elle comprend plus ou moins qu’elle est bizarre. Ses amies ont des amoureux, parlent des beaux garçons de la classe. Mei ne voit que des jolies filles, et des tas de pixels. Elle ne comprend pas ce qu’il y a de beau dans ces tas de pixels. Son papa lui a dit que les garçons étaient mauvais, sauf lui. Que lui, il ferait tout pour elle. Pourtant, Mei les trouve amusants, ces formes floues. Il a fait en sorte qu’elle puisse les entendre, alors elle est heureuse, ils font des blagues drôles. Il y en a quelques-uns qui lui ont demandé de sortir avec eux, elle a eu quelques cartes de Saint Valentin. Mais Mei ne sait pas quoi faire. Dès qu’elle essaie de trouver une main à prendre dans ces amas de matière invisibles, elle ne les entend même plus.

Parce qu’il contrôle tout. Et qu’il voit tout. Parce qu’elle ne peut voir et sentir que lui. Pour Mei, un garçon, c’est son papa. Le seul homme dont elle connaît les traits. Le seul homme qui peut la toucher.

Mais même Cherish n’a pas pu empêcher Mei de partir à l’autre bout du monde. Elle a 19 ans et le lycée c’est terminé. Elle a proposé sa candidature pour le programme de l’école Infinity School et contre toute attente, elle a été choisie.

- Quoi que tu fasses, je le verrai. N’oublie jamais Mei. Tu es ma gentille petite fille. Ne déçois pas papa, d’accord ?

D’accord, papa. Je serai sage.